LIBER CXLVIII
LE SOLDAT ET LE BOSSU : ! ET ?

"Attends sept infortunes du boiteux, quarante-deux du borgne; mais lorsqu'apparaît le bossu, dis {Qu'Allah nous vienne en aide}".
Proverbe Arabe

I

ENQUÊTE. Demandons-nous tout d'abord: Qu'est-ce que le Scepticisme? Le mot signifie examiner, interroger, chercher.

Nous devons passer avec mépris la glose menteuse du Chrétien qui traduit "sceptique" par "moqueur"; bien que dans un sens ce soit vrai pour lui, car enquêter sur le Christianisme c'est assurément avoir occasion de le railler; mais je me soucie d'étendre la signification étymologique à plusieurs égards. Primo, je ne considère pas la pure incrédulité comme indispensable à l'idée, bien que la crédulité soit incompatible avec elle. L'incrédulité implique un préjugé en faveur d'une conclusion négative; et le véritable sceptique devrait être parfaitement impartial.

Secundo, j'exclus le "scepticisme vital". À quoi bon toutes choses ? attend (nous étant habitués à tirer la leçon du "rien ?") la réponse {Et à quoi bon rien ?} et nous retombons à nouveau sur les préjugés. L'indolence n'est pas une vertu chez l'interrogateur. L'empressement, la détermination, la concentration et la vigilance - je les inclus tous dans la signification du mot "sceptique". La manière d'interrogation que l'on nomme "scepticisme vital" n'est qu'un stratagème pour éviter la vraie interrogation, et il s'agit donc de sa véritable antithèse, le diable déguisé en ange de lumière.

[Ou vice versâ, l'ami, si vous êtes un Sataniste; c'est une question de mots - mots - mots. Vous pouvez écrire x pour y dans vos équations, aussi longtemps que vous écrirez conséquemment y pour x. Ils restent inchangés - et non résolus. Toute notre "connaissance" n'est-elle pas un exemple de ce sophisme consistant à écrire une inconnue pour une autre, pour ensuite chanter comme le coq de Pierre ?

Je me représente le véritable sceptique comme un homme passionné et alerte, aux yeux sombres qui brillent tels des épées affilées, aux mains raidies par l'effort tandis qu'il demande {Qu'est-ce que cela importe?}.

Je me représente le faux sceptique comme un gommeux ou un freluquet, bâillant, les yeux ternes, les muscles flasques, dont le dessein en posant sa question n'est que d'exprimer sa flemme et sa stupidité.

Le véritable sceptique est de fait l'homme de science; comme le "Moreau" de Wells nous l'apprend. Il a conçu quelque moyen de répondre à sa première question, et sa réponse est une autre question. Il est en vérité ardu de concevoir une question dont la réponse n'impliquerait pas un millier de questions supplémentaires. Une question aussi simple que { Pourquoi le sucre possède-t-il pareille saveur ? } entraîne une infinité de recherches chimiques, chacune nous amenant finalement devant l'impossible {Qu'est-ce que la matière ?}, et une infinité de recherches physiologiques, chacune nous conduisant (pareillement) à l'impossible {Qu'est-ce que l'esprit?}.

Mais cependant, la relation entre les deux idées est inconcevable; la causalité elle-même est inconcevable; et si cette dernière dépend d'une chose, c'est bien de l'expérience - et, au nom de Dieu, qu'est-ce que l'expérience ? L'expérience est impossible sans la mémoire. Qu'est-ce que la mémoire ? Le mortier du temple de l'ego, dont les briques sont les impressions. Et l'ego ? La somme de nos expériences, peut-être (j'en doute !).

De toute façon, nous avons les valeurs de y et z pour x, et les valeurs de x et z pour y - toutes nos équations sont indéterminées; toute notre connaissance est relative, elle l'est même dans un sens plus strict encore que celui usuellement impliqué par l'énoncé. Sous le fouet du clown Dieu, nos ânes savants les philosophes et les hommes de science font encore et encore des tours sur la piste du cirque; ils font d'amusantes acrobaties : ils sont bien dressés; mais ils n'arrivent nulle part.

Je n'ai pas l'air d'arriver moi-même où que ce soit.

II

Une nouvelle tentative. Examinons la plus simple et la plus certaine de toutes les affirmations possibles. La pensée existe ou, si vous voulez, Cogitatur.

Descartes s'imagina être allé au fond des choses avec son Cogito, ergo Sum.

Huxley fit ressortir la nature complexe de cette proposition, et montra qu'elle était enthymétatique de la prémisse Omnes sunt, qui cogitant supprimée. Il la réduisit à Cogito; ou, pour éviter le postulat de l'ego, Cogitatur.

Examinant de plus près cette affirmation, nous pouvons encore ergoter quant à sa forme. Nous ne pouvons la traduire en anglais sans l'emploi du verbe être, de sorte que finalement l'existence est impliquée. Pas plus que nous n'imaginons volontiers que le silence méprisant soit une réponse suffisante à l'interrogation suivante : {Par qui est-ce pensé ?}. Il peut sembler aisé au Bouddhiste de se représenter une action sans agent; je ne suis pas aussi intelligent. Peut-être est-ce possible à un homme sensé; mais j'aimerais en savoir plus sur son esprit avant de livrer une opinion définitive.

Mais outre ces objections purement formelles, nous devons encore nous poser cette question: Ce Cogitatur est-il vrai?

Oui; répliquent les sages; car le nier implique la pensée; Negatur n'est qu'une subdivision de Cogitatur.

Ceci implique toutefois un axiome selon lequel la partie est de même nature que le tout; ou (pour le moins du moins) un axiome selon lequel A est A.

Or, je ne souhaite pas nier que A soit A, ou puisse parfois l'être. Mais assurément A est A est un énoncé très différent de notre Cogitatur d'origine.

Bref, la preuve du Cogitatur n'est pas inhérente à ce dernier mais dépend de la validité de notre logique; et si par logique nous entendons (comme nous devrions le faire) le Code des Lois de la Pensée, le sceptique agaçant aura quelques remarques supplémentaires à faire : car il apparaît maintenant que la preuve que la pensée existe dépend de la vérité de ce qui est pensé, sans aller plus loin.

Nous avons pris Cogitatur afin d'éprouver et évacuer esse; mais A est A implique précisément cette idée, et la preuve est mortellement défigurée.

Cogitatur dépend de Est; et il n'y a pas moyen de s'y soustraire.

III

Les choses s'amélioreront-elles si nous examinons cet Est - Quelque Chose est - l'Existence est - אהיה אשר אהיה ?

Qu'est-ce que l'Existence ? La question est si fondamentale qu'elle ne trouve aucune réponse. La plus profonde des méditations ne nous mène qu'à une exaspérante sensation d'impuissance. Il n'y a semble-t-il dans l'esprit aucune idée simple & rationnelle qui corresponde au mot.

Il est bien sûr aisé de noyer la question dans des définitions, nous menant à plus de complexité - mais

L'Existence est le don de la Divine Providence,

L'Existence est l'opposée de la Non-Existence,

ne nous aident guère !

Le franc L'Existence est L'Existence des Hébreux va plus loin. C'est le plus sceptique des énoncés, malgré sa forme. L'existence est juste l'existence, et il n'y a rien à rajouter; ne vous prenez pas la tête ! Tiens donc, il n'y a rien à rajouter ! Bien que nous recherchions en nous une pensée qui égale le mot et échouions, il nous reste toutefois l'argument parfaitement convaincant de Berkeley selon lequel (pour autant que nous le sachions) existence doit signifier existence pensante ou existence spirituelle.

Nous voyons donc ici notre Est impliquer Cogitatur; et les arguments de Berkeley sont {irréfragables et néanmoins échouent à emporter la conviction} (Hume) car le Cogitatur, comme nous l'avons montré, implique Est.

Aucune de ces idées n'est simple; chacune implique l'autre. La division qu'opère entre elles notre cerveau est-elle une preuve de la totale incapacité de cet organe, ou existe-t-il quelque faille dans notre logique ? Car tout repose sur notre logique; non seulement sur la simple identité A est A, mais sur sa structure toute entière depuis la question des propositions indépendantes, énormément difficile depuis l'instant où le détestable génie qui inventa "l'importance existentielle" en vint à considérer le problème, jusqu'à ce plus de complexité et de contradiction: le syllogisme.

IV

La pensée est apparaît alors (dans le pire des cas possibles, celui de la négation) comme la conclusion des prémisses :

Il y a négation de la pensée.

(Toute) Négation de la pensée est pensée.

Même du point de vue formel, il s'agit d'un monstre disgracieux. Par essence, cela semble impliquer bien des choses au-delà de notre énoncé d'origine. Nous compassons le ciel et la terre afin de faire un syllogisme; et lorsque nous l'avons fait, il est dix fois plus le fils du mystère que nous-mêmes.

Nous ne pouvons discuter ici en son intégralité le problème de la validité (la question de surface de notre validité logique) du syllogisme; bien que l'on puisse émettre la suggestion que la doctrine du moyen terme réparti semble présupposer la connaissance d'un Calcul d'Infinis qui se trouve certainement au-delà de mon propre maigre savoir, et difficilement éludable par la seule réflexion que toutes mathématiques soient conventionnelles et non essentielles; relatives et non absolues.

À ce qu'il semble, nous nous enfonçons de plus en plus profondément de l'Un vers les Plusieurs. Notre proposition première ne dépend plus d'elle-même, mais de toute la complexe entité humaine, ce pauvre homme, querelleur et aux idées confuses ! L'homme avec toutes ses limites et son ignorance; l'homme - l'homme !

V

Nous ne sommes évidemment guère plus satisfaits en examinant les Plusieurs, pris ensemble ou séparément. Ils convergent et divergent, chaque nouvelle cime de connaissance dévoilant de vastes terres inexplorées; chaque perfectionnement de nos télescopes révélant de nouvelles galaxies; chaque amélioration de nos microscopes nous montrant la vie plus infime et plus incompréhensible. Un mystère des grands espaces entre les molécules; un mystère des coussins d'éther qui détournent les étoiles d'une éventuelle collision! Un mystère de la plénitude des choses; un mystère du vide des choses! Toutefois, comme nous allons, croît un sens, un instinct, une prémonition - comment dirais-je ? - de ce que l'Être est Un, et la Pensée Une, et la Loi Une - jusqu'à ce que nous nous demandions Qu'est-ce que l'Un ?

Et donc nous filons à nouveau des mots - mots - mots. Et pas une seule question n'a reçu de réponse dans un sens définitif.

De quoi la lune est-elle faite ?

La science réplique { de Fromage Vert }.

Pour notre unique lune, nous avons maintenant deux idées: Couleur verte et Fromage.

La couleur verte dépend de la lumière du soleil, de l'oeil, et d'un millier d'autres choses.

Le Fromage dépend des bactéries, de la fermentation et du caractère de la vache.

{De plus en plus profond dans le bourbier des choses!}.

Trancherons-nous le noeud Gordien ? dirons-nous « Il y a Dieu?

Au nom du diable, qu'est-ce que Dieu ?

Si (avec Moïse) nous Le représentons comme un vieil homme nous présentant Son derrière, qui nous en blâmera ? La grande Question - n'importe quelle question est la grande question - nous traite ainsi fort cavalièrement, le Sceptique désillusionné est-il en outre enclin à penser !

Bien. Devons-nous Le définir comme un Père affectueux, comme un prêtre jaloux, comme un rayon de lumière sur la sainte Arche ? Quelle importance cela a-t-il ? Toutes ces idoles sont de bois et de pierre, le bois et la pierre de nos propres stupides cerveaux ! La Paternité de Dieu n'est qu'un modèle humain; l'idée d'un père humain associée à l'idée d'immensité.

À nouveau Deux pour Un!

Aucune combinaison d'idées ne peut être plus importante que le cerveau pensant lui-même; tout ce que nous pouvons penser de Dieu ou dire de Lui, aussi longtemps que nos mots représentent réellement des idées, est inférieur à l'intégralité de ce cerveau pensant & ordonnant le discours.

Très bien; poursuivrons-nous en Lui refusant toutes propriétés concevables, comme font les païens? Nous n'obtiendrons que simple négation de la pensée.

Ou Il est inconnaissable, ou Il est moins que ce que nous sommes. Et de plus, ce qui est inconnaissable est inconnu; et « Dieu » ou « Il y a Dieu » comme réponses à notre question deviennent aussi vides de sens qu'aucune autre.

Alors, que sommes-nous donc?

Nous sommes des Agnostiques Spencériens, de pauvres, sots et damnés Agnostiques Spencériens!

Exit le problème.

VI

Il est sans doute temps que nous commencions à nous interroger quant à la validité de certaines de nos données. Jusqu'ici notre scepticisme a non seulement mis en pièces la tour de notre pensée mais en a aussi extirpé la première pierre et l'a broyée en une poudre plus fine et plus toxique que celle en laquelle Moïse réduisit le veau. Ces Elohim d'or! Nos têtes de veau qui ne nous firent pas sortir d'Égypte mais nous menèrent jusqu'à une ténèbre plus profonde et plus tangible que toute ténèbre du double Empire d'Asar !

Hume attèle son petit ? au Dieu-! de Berkeley; Bouddha son? à l'Atma-! védique - et ni Hume ni Bouddha ne furent privés de leur récompense. Nous-mêmes pouvons atteler un ? à notre propre ? puisque nous n'avons trouvé aucun ! à y atteler; et ne serait-ce pas source de joie que notre second ? redresse soudainement son dos, bombe la poitrine et se mette en route tel un!

Mettons alors que nous concédions que notre scepticisme ait détruit notre connaissance, racines et branches incluses - n'y-a-t-il aucune limite à son action ? Est-ce que dans un certain sens il ne s'invalide pas lui-même ? Ayant détruit la logique par la logique - si Satan exorcise Satan, comment son règne subsistera-t-il ?

Tenons-nous sur la Montagne, Sauveurs du Monde que nous sommes, et répondons « Cède-moi la place, Satan ! » - quoique nous abstenant de citer les Écritures ou de donner des raisons.

Oh oh ! dit quelqu'un; Aleister Crowley est-il là ? - Samson aveugle et enchaîné, moulant du blé pour les Philistins !

Pas du tout, très cher !

Nous poserons toutes les questions que nous pouvons poser - mais il se peut que nous découvrions une tour construite sur un roc, que les rafales de vent frappent en vain.

Pas ce que les Chrétiens nomment foi, soyez-en sûrs ! Mais (peut-être) ce que les faussaires des Épîtres - ces éminents mystiques ! - entendent par foi. Ce que j'appelle Samadhi - et comme « la foi sans les oeuvres est morte », ainsi, chers amis, Samadhi n'est que de la blague tant que le pratiquant n'a pas montré les reflets de son or dans son oeuvre en ce monde. Si votre mystique devient Dante, bien; s'il devient Tennyson, zut pour ses extases!

Mais comment cette tour de Samadhi résiste-t-elle à l'assaut de la Question du temps ?

L'idée de Samadhi n'est-elle pas tout autant dépendante de toutes les autres idées - d'homme, de temps, d'existence, de pensée, de logique ? Si je cherche à expliquer Samadhi par l'analogie, ne suis-je pas souvent surpris à parler comme si nous connaissions tout sur l'Évolution, les Mathématiques, l'Histoire ? Des études complexes et peu scientifiques, de simples pailles devant le souffle de notre ami bossu!

Bien. L'un des contreforts n'est qu'une simple question de sens commun.

L'autre jour j'étais chez Dorothy, et, comme je me l'imaginais bêtement, bien à l'aise : parce que ses sandwiches sont renommés. Ce fut assurément de mauvais goût de la part du Père Thomas Vaughan, et du Dr Torrey, et d'Ananda Metteyya, et de Mr G.W. Foote, et du Capitaine Fuller, et du spectre d'Emmanuel Kant, et de Mr Bernard Shaw, et du jeune Neuburg, que de faire irruption. Mais ils le firent; et parlèrent ! Je n'ai jamais entendu quelque chose de semblable. Chacun avec son point de vue propre; mais tous tombaient d'accord sur la non-existence de Dorothy, ou sur le fait que si elle existait, il s'agissait d'un spécimen vraiment affreux, que ses petits pains au lait étaient rassis et son thé infâme; ergo, que je n'éprouvais guère de plaisir à me trouver là. Bon Dieu, dis quelque chose ! Mais Dorothy continuait à s'affairer silencieusement et ne remarqua rien; et à la longue je les oubliai.

Y réfléchissant à tête reposée, je m'aperçois maintenant qu'ils avaient probablement tout à fait raison : je ne puis d'aucune manière le prouver. Mais en homme simple et pratique, j'ai l'intention de prendre le vapeur - je suis à Gibraltar en raison de mes péchés - et de retourner chez Dorothy dès que possible. Les pains briochés aux saucisses allemandes peuvent être vulgaires ou même imaginaires - c'est la saveur que j'apprécie. Et plus je mâche, plus je me sens béat, jusqu'au point d'aller offrir une bouchée à mes critiques.

Cela sonne un peu comme la "Certitude Intérieure" du Chrétien ordinaire; mais il y a des différences.

Le Chrétien insiste sur des mensonges notoires tenus pour composantes essentielles de son système à lui (plus couramment à elle); moi, au contraire, je demande des faits, des observations. Sous le feu du Scepticisme, il est vrai qu'on est tout autant un château de cartes qu'un autre, mais seulement au sens philosophique.

En pratique, la Science est vraie; et la Foi absurde.

En pratique, 3 x 1 = 3 est la vérité; et 3 x 1 = 1 un mensonge; quoique sceptiquement les deux énoncés puissent être faux ou inintelligibles.

En pratique, la méthode de Franklin pour recueillir le Feu du ciel est meilleure que celle de Prométhée ou d'Elie. J'écris à cette heure grâce à la lumière que la découverte de Franklin permit aux hommes d'employer.

En pratique, « j'ai concentré mon esprit sur un triangle blanc et rayonnant au centre duquel était un oeil brillant, durant 22 minutes et 10 secondes, mon attention ayant été distraite 45 fois » est un énoncé scientifique, possédant une valeur. « J'ai prié le Seigneur avec ferveur durant beaucoup de jours » peut signifier n'importe quoi ou rien du tout. Quelqu'un s'en souciant peut répéter mon expérience et comparer son résultat au mien. Dans le dernier cas, on peut toujours se demander ce que "avec ferveur" signifie, qui était "le Seigneur" et combien de jours font "beaucoup".

En outre, ma prétention est plus modeste que celle du Chrétien. Il (généralement elle) en sait sur mon futur plus qu'il n'en faut pour que ce soit tout à fait agréable; je ne prétends rien d'absolu à partir de mon Samadhi - je ne connais que trop le peu de valeur des observations faites seul , même dans le cas d'une affaire aussi simple que la détermination d'un point d'ébullition ! - et pour ce qui est de son futur à lui (plus couramment à elle) , je me contente de ce que me dicte mon seul bon sens quant à la fin probable d'un sot.

De sorte qu'après tout je garde mon scepticisme intact - et je garde mon Samadhi intact. L'un équilibre l'autre; je ne me soucie absolument pas de la vulgaire rixe entre ces deux vauriens de mon esprit !

VII

Si, toutefois, vous avez vraiment envie de savoir ce qui peut se dire du côté martial de la question, je vais m'efforcer d'être obligeant.

Pour qu'une question soit posée d'intelligible façon, il est nécessaire que l'interrogeant se situe sur le même plan que l'interrogé.

La réponse est impossible si vous demandez : { Les carrés ronds sont-ils triangulaires ? } ou {Le beurre est-il vertueux ?} ou {Combien d'onces rendent-elles visite au shilling?} car ces "questions" ne sont pas tout à fait de vraies questions.

Et si vous me demandez Samadhi est-il réel ? Je réplique : Primo, je vous prie d'établir une relation entre les termes. Qu'entendez-vous par Samadhi?

Il existe un état physiologique (ou pathologique, peu importe au point où nous en sommes !) que j'appelle Samadhi; et cet état est aussi réel - par rapport à l'humain - que le sommeil, l'ivresse ou la mort.

Philosophiquement, nous pouvons douter de l'existence d'eux tous; mais nous n'avons aucune raison d'opérer une discrimination parmi eux - le Scepticisme Académique est un commerce de gros, tout du moins je l'espère! - et en pratique je vous mets au défi d'établir des distinctions valides.

Tous sont des états de la conscience humaine; et si vous tentez d'en détruire un, tous les autres s'écroulent avec.

VIII

Je dois, au risque d'avoir l'air de m'écarter du sujet, insister sur la distinction entre les points de vue philosophique et pratique, ou (en langage Qabalistique) entre Kether et Malkuth.

Dans la conversation privée, je trouve difficile - presque impossible - de faire comprendre aux gens ce qui me semble un point très simple. Je vais tenter de le rendre exceptionnellement clair.

Une botte est une illusion.

Un chapeau est une illusion.

Donc, une botte est un chapeau.

Ainsi raisonnent mes amis, ne répartissant pas le moyen terme.

Mais voici comment je raisonne.

Toutes les bottes sont des illusions.

Tous les chapeaux sont des illusions.

Donc (bien que ce ne soit pas un syllogisme), toutes les bottes et tous les chapeaux sont des illusions.

J'ajoute :

Pour l'homme en Kether, aucune illusion n'a d'importance.

Donc: Pour l'homme en Kether ni les bottes ni les chapeaux n'ont d'importance.

De fait, l'homme en Kether n'entretient aucune relation avec ces bottes et chapeaux.

Vous, disent-ils, prétendez être un homme en Kether (non). Pourquoi alors ne portez-vous pas des bottes sur la tête et n'avez-vous pas de chapeaux aux pieds ?

Je puis seulement répondre que moi l'homme en Kether (ce n'est qu'un exemple) n'ai pas plus de rapport avec les pieds et les têtes qu'avec les bottes et les chapeaux. Pourquoi devrais-je (depuis mon pinacle élevé) m'abaisser et tourmenter le gentleman coiffé et chaussé en Malkuth, qui après tout n'existe pas pour moi, par ces drastiques retouches de sa toilette ? Il n'y a aucune différence quelle qu'elle soit; je pourrais aisément placer les bottes sur ses épaules, avec sa tête sur un pied et le chapeau sur l'autre.

En somme, pourquoi ne pas être un Irlandais menant une vie réglée, même si vous avez des idées folles sur l'univers ?

Très bien, disent mes amis, ne perdant point leur contenance, alors pourquoi ne pas s'en tenir à cela ? Pourquoi glorifier les Gitanes dès lors que vous avez épousé une fille de pasteur ?

Pourquoi aller proclamer que vous pouvez aussi bien vous amuser avec dix-huit pences qu'avec ce qui coûte, en général, sa carrière à un homme ?

Ah ! laissez-moi vous présenter à l'homme en Tiphereth; c'est-à-dire l'homme tentant d'élever sa conscience depuis Malkuth jusqu'en Kether.

Cet homme de Tiphereth est dans un diable de terrier ! Il sait théoriquement tout sur le point de vue de Kether (ou du moins il le croit) et pratiquement tout sur le point de vue de Malkuth. En conséquence il va ici et là contredisant Malkuth; il refuse de laisser Malkuth obséder sa pensée. Il ne cesse de s'écrier qu'il n'y a aucune différence entre un bouc et un Dieu, dans l'espoir de s'hypnotiser (pour ainsi dire) en cette perception de leur identité, qui est son idée (partiale et incorrecte) de comment les choses sont vues depuis Kether.

Cet homme fait de la grande magie; des charmes très puissants. Il trouve réellement de l'or dans le fumier et des squelettes dans les jolies filles.

Dans Abiegnus, la Montagne Sacrée des Rosicruciens, le Postulant ne trouve qu'un cercueil dans le tombeau central ; néanmoins ce cercueil contient Christian Rosenkreutz qui est mort et qui est vivant à jamais, et possède les clés de l'Enfer et de la Mort.

Oui ! votre homme de Tiphereth, fils de la Miséricorde et de la Justice, voit plus loin que les apparences!

Mais l'homme de Malkuth comme celui de Kether le considèrent comme un objet assez ridicule.

Néanmoins, il est l'homme le plus intéressant qui soit; et nous devons tous passer par cette étape avant que nos têtes ne deviennent vraiment claires, la vision de Kether au-dessus des Nuages entourant la montagne Abiegnus.

IX

Allant et nous en retournant, comme les Chérubins, nous pouvons maintenant poursuivre notre tentative de transformation de notre ami bossu en soldat présentable. La digression n'aura pas non plus été que digression; car elle aura jeté bien de la lumière sur la question des limites du scepticisme.

Nous avons interrogé le point de vue de Malkuth; il semble absurde, même si c'est la convention générale. Mais la position de Tiphereth est inébranlée; Tiphereth n'a pas besoin de dire Malkuth absurde. Lorsque nous tournons notre artillerie contre Tiphereth, lui aussi s'écroule; mais Kether se renfrogne au-dessus de nous.

Attaquez Kether, et il tombe; mais le Malkuth Yetziratique est toujours là... jusqu'à ce que nous atteignions le Kether d'Atziluth et la Lumière Infinie, et l'Espace, et le Rien.

Ainsi replions-nous le sentier, nous battant lors de combats en retraite; à chaque instant un soldat est tué par un bossu; mais comme nous nous replions il y a toujours un soldat juste à nos côtés.

Jusqu'à la fin. La fin ? Bouddha estimait infini le renfort de bossus; mais pourquoi les soldats eux-mêmes ne seraient-ils pas infinis en nombre?

Quoiqu'il en soit, le point est le suivant : cela demande un moment au bossu pour tuer son homme, et plus nous nous éloignons de notre base, plus cela prend de temps. Vous pouvez réduire en cendres le monde imaginaire d'un enfant, pour ainsi dire entre vos doigts; mais avant que vous puissiez agiter l'univers physique aux oreilles d'un homme il faut qu'il ait entraîné ses bossus si diaboliquement bien qu'ils soient aussi terribles que des soldats. Et une question à même d'ébranler la conscience de Samadhi pourrait, j'imagine, offrir de grands avantages à l'un des grenadiers de Frédérick.

Il est inutile d'attaquer le mystique en lui demandant s'il est tout à fait certain que Samadhi soit bon pour sa mauvaise santé; c'est comme demander au chasseur de faire très attention, svp, pas de mal au renard.

La Question finale, celle qui met réellement Samadhi en pièces, est une Idée tellement prodigieuse qu'elle est bien plus ! que tous les ! précédents quels qu'ils soient, malgré sa forme en ?.

Et le nom de cette Question est Nibbana.

Examinons cette problématique de l'âme.

Lorsque Mr Judas McCabbage demande à l'Homme de la Rue pourquoi il croit en une âme, l'Homme balbutie que c'est ce qu'il a toujours entendu dire; naturellement McCabbage n'a aucune difficulté à lui démontrer via les méthodes biologiques qu'il n'a pas d'âme; et avec un sourire radieux chacun passe son chemin.

Ceci dit, McCabbage est très inférieur au philosophe dont la croyance en une âme repose sur l'introspection; il nous faut du métal plus lourd; peut-être Hume fera-t-il notre affaire.

Mais Hume devient à son tour parfaitement futile, confronté au mystique hindou en proie à la jouissance intense et continuelle de son Atma tout neuf. Il faut un fusil-Bouddha pour renverser sa tour.

Or, les idées de McCabbage sont tristes et banales; celles de Hume viriles et pleines de vie; il y a en elles une joie plus grande que celle de l'Homme de la Rue. Mais aussi, la pensée de Bouddha, Anatta, est une conception bien plus splendide que cette marionnette baragouinante du philosophe, l'Ego, ou que l'artillerie rationnelle de Hume.

Aussi cette arme, ayant détruit nos univers moindres, illusoires, en révélant un toujours plus réel, ne devrions-nous pas la manier avec divine extase ? Ne devrions-nous pas, également, percevoir l'interdépendance des Questions et des Réponses, la nécessaire relation de l'une à l'autre, de manière à (de même que 0 x ° est un problème indéterminé) détruire l'absolutisme de ? ou de ! par leur alternance et équilibre, jusqu'à ce que dans notre série ?!?!?!?... !?!?... nous n'éprouvions plus aucun intérêt envers ce qui pourrait devenir le terme final, chaque terme unique étant une quantité si négligeable par rapport à l'immensité de la série ? N'est-ce pas une série à progression géométrique, dotée d'un facteur positif et incalculablement vaste ?

À la lumière du processus perçu dans sa globalité, nous réalisons donc qu'il n'y a aucune valeur absolue dans le va-et-vient du pendule, bien que son balancier s'allonge, que son cours se ralentisse de plus en plus, et que son mouvement devienne de plus en plus ample à chaque oscillation.

Ce qui doit nous intéresser est l'étude du Point duquel il pend, immobile au faîte des choses ! Nous sommes défavorablement placés pour l'observer, désespérément accrochés à la lentille du pendule, malades de notre oscillation insensée dans l'abîme !

Nous devons remonter le balancier pour atteindre ce point - mais - attendez une minute ! Combien obscure et subtile notre comparaison est-elle devenue ! Pouvons-nous attacher quelque véritable signification à cette phrase ? J'en doute, m'apercevant que nous voici aux limites du va-et-vient. Vrai, il se peut qu'à la fin l'oscillation soit toujours de 360° de sorte que le point-! et le point-? coïncident; mais ce n'est pas la même chose que n'avoir pas d'oscillation du tout, à moins de rendre la cinématique identique à la statique.

Que convient-il de faire ? Comment proférer de tels mystères?

Est-ce pour cela que le véritable Sentier du Sage est dit se trouver sur un plan totalement différent de toute sa marche sur le sentier de la Connaissance et sur celui de l'Extase ? Nous avons déjà été contraints d'avoir recours à la Quatrième Dimension pour éclairer (si ce n'est expliquer) la nature de Samadhi.

Ah, disent les adeptes, Samadhi n'est pas la fin, mais le début. Vous devez considérer Samadhi comme l'état d'esprit normal vous permettant d'amorcer vos recherches, de même que la veille est l'état depuis lequel vous vous hissez jusqu'à Samadhi, et le sommeil l'état duquel vous sortez pour accéder à celui de veille. Et seulement via Sammasamadhi - extase continuelle de la bonne espèce - pouvez-vous en quelque sorte vous hausser sur la pointe des pieds et scruter les montagnes au travers des nuages.

À l'évidence, il est certes infiniment honnête de la part de ces adeptes que de prendre pareille peine pour nous, et de s'exprimer si clairement et si joliment. Tout ce que nous avons à faire, voyez-vous, est d'acquérir Sammasamadhi et puis de nous hausser sur la pointe des pieds. C'est tout !

Mais il y a alors les autres adeptes. Ta, ta, ta, comme il y va ! Petit frère, dit-il, considérons plutôt que le pendule oscillant chaque fois de plus en plus lentement, il doit finalement s'arrêter, dès que le balancier est d'une infinie longueur. Bien ! ce n'est donc pas du tout un pendule mais un Mahalingam - Le Mahalingam de Shiva (Namo Shivaya namaha Aum !) qui est tout ce que je n'ai jamais cessé de penser qu'il était; vous n'avez rien d'autre à faire que de continuer à osciller sans relâche - je sais qu'il s'agit de l'oscillation d'un hameçon ! - et vous vous retrouverez là à la Fin. Pourquoi se tracasser à osciller ? Primo, parce que vous ne pouvez faire autrement, que cela vous plaise ou non; secundo, parce que votre attention est de ce fait distraite de ces muscles lombaires auxquels l'hameçon est si fermement fixé; tertio, parce qu'après tout il s'agit d'un jeu sacrément épatant; et enfin parce que vous voulez avancer, et que même une apparence de progrès vaut mieux que se tenir tranquille. Un moulin de discipline constitue de l'aveu général un bon exercice.

Il est vrai que la question {Pourquoi devenir un Arahat ?} devrait précéder {Comment devenir un Arahat?} mais un homme impartial annulera aisément la première question par un {Pourquoi pas ? } - il est moins facile de se débarrasser du Comment. Ceci dit, peut-être que du point de vue de l'Arahat lui-même { Pourquoi devins-je un Arahat ? } et { Comment devins-je un Arahat?} ne possèdent qu'une réponse unique!

De toute façon, nous perdons notre temps - nous sommes aussi ridicules avec nos Arahats qu'Hérode le Tétrarque avec ses paons ! Nous embarrassons la Vie de la question Pourquoi ? et la première réponse est : Afin d'obtenir la Connaissance et Conversation du Saint Ange Gardien.

Pour donner un sens à cette affirmation, nous devons obtenir cette Connaissance et Conversation : et lorsque ceci est fait, nous pouvons passer à la Question suivante. Il ne servirait à rien de la poser maintenant.

{ Il y a des miséreux fiers de leur argent qui se tiennent à la porte de la taverne et injurient les convives. }

Nous n'attachons guère d'importance au Révérend Percé-aux-Coudes, fulminant dans Bareboards Chapel que le riche ne profite pas de sa richesse.

Alors bien. Procurons-nous l'ouvrage intitulé "Le Livre de la Magie Sacrée d'Abramelin le Mage"; ou les écrits magiques de ce saint et illuminé Homme de Dieu, le Capitaine Fuller, et exécutons à la lettre leurs instructions.

Et seulement lorsque nous aurons réussi, lorsque nous aurons un! colossal à opposer à notre vital? aurons-nous besoin de savoir si après tout le soldat ne va pas contracter une déviation de la colonne vertébrale.

Faisons le premier pas; chantons :

Je ne demande pas à voir

Le sentier lointain; un pas me suffit.

Mais (direz-vous très probablement), j'ôte la moelle de votre ? à l'aide d'un autre ? : Pourquoi se donner la peine d'interroger la vie ? Pourquoi ne pas rester "un gentleman Irlandais menant une vie réglée", satisfait de son handicap et dédaigneux du papier et du stylo ? L'aiguillon du Bouddha, { Tout est affliction }, ne vaut-il guère mieux qu'un gémissement hargneux ? Que m'importe la vieillesse, la maladie et la mort ? Je suis un homme, et un Celte qui plus est. Je crache sur votre pleurnichard de prince hindou, émasculé par la débauche en premier lieu et par l'ascétisme dans le second. Un faible, un crasseux, un misérable cabot, votre Gautama, Monsieur !

Oui, je crois que je n'ai aucune réponse à cela. L'appréhension soudaine de quelque catastrophe mortelle peut avoir été la cause excitatrice de mon dévouement conscient à l'obtention de l'Adeptat - mais sûrement l'aptitude était déjà là, innée. Le simple désespoir et le simple désir ne peuvent guère; quoi qu'il en soit, le premier mouvement d'effroi fut l'éphémère spasme d'une heure; le magnétisme du sentier lui-même était le véritable appât. Il est aussi stupide de me demander { Pourquoi devenez-vous un adepte ? } que de demander à Dieu { Pourquoi pardonnez-vous?}. C'est son métier.

Je ne suis pas assez idiot pour penser que ma doctrine puisse jamais s'affectionner l'oreille du monde. Je m'attends à ce que dans dix siècles les "Crowléyens-que-de-nom" constituent une corporation aussi pestilentielle et nombreuse que les "Chrétiens-que-de-nom" aujourd'hui; car (pour le moment) je n'ai trouvé aucun moyen de les bannir. Peut-être que je devrais plutôt tenter de leur trouver une niche dans le tombeau, de même que l'hindouisme pourvoit à la fois aux besoins de ceux pouvant comprendre les Upanishads et de ceux dont l'intelligence atteint à peine les Tantras. En bref, l'on doit délaisser la réalité de la religion pour une feinte, ce afin que la religion puisse être suffisamment universelle pour ces quelques-uns pouvant saisir sa réalité en se blottissant contre son sein et en nourrissant leur être de son lait étoilé. Mais nous anticipons !

Mon message est donc double; je prêche le mécontentement au bourgeois plein de graisse; je le bouleverse, je le consterne, je lui coupe l'herbe sous les pieds, je le mets sens dessus dessous, je lui donne du hachish et le fais tomber dans une folie furieuse, je contracte ses fesses avec les tenailles chauffées au rouge de ma fantaisie Sadique - jusqu'à ce qu'il se sente mal à l'aise.

Mais à l'homme qui est déjà aussi inquiet que Saint Laurent sur son gril d'argent, qui sent l'Esprit remuer en lui, pareil à la femme tombant malade dès qu'elle ressent le premier mouvement de l'enfant en elle, à lui j'offre la splendide vision, le parfum et la gloire, la Connaissance et Conversation du Saint Ange Gardien. Et à quiconque aura atteint ce faîte je poserai une Question supplémentaire, annoncerai une Gloire de plus.

C'est mon infortune et non ma faute si je suis dans l'obligation de délivrer ce Message élémentaire.

L'homme a deux côtés; l'un pour faire face au monde,

L'autre pour le montrer à une femme lorsqu'il l'aime.

Nous devons pardonner à Browning son obscène plaisanterie; car sa vérité est de celles à délivrer ! Mais c'est votre propre faute si vous êtes le monde au lieu de la bien-aimée; et ne voyez de moi que ce que Moïse vit de Dieu !

Il est écoeurant de devoir passer sa vie à jeter des excréments au visage du public Britannique dans l'espoir que le lavant ils effaceront l'âcre cambouis de leur mercantilisme, les traînées salines de leurs larmes hypocrites, l'infecte sueur de leur moralité, la bave ruisselante de leur sensiblerie et de leur religion. Et ils ne se lavent pas!...

Mais prenons une métaphore moins déplaisante, le fouet ! Comme l'écrivit de manière répétée un écolier poète, aux rimes aussi pauvres que celles d'Edwin Arnold, au mètre aussi capricieux et habile que celui de Francis Thompson, son bon sens et sa franche indécence égalant ceux de Browning :

Ne puis être aidé; ce doit être fait -

Alors...

Non ! c'est une mauvaise, mauvaise rime.

Et seulement après le fouet qui s'abat vient la verge qui console, si je puis emprunter une comparaison quelque peu hardie à Abdullah Haji de Shiraz et au vingt-troisième Psaume.

Bon, je préférerais vraiment consacrer ma vie à la verge; il est fatigant et dégoûtant d'avoir à constamment flageller le cuir coriace des Anglais, que j'aime après tout. « Le Seigneur châtie qui Il aime, et fouette tout fils qu'Il accueille. » Je serais réellement heureux si quelques-uns d'entre vous en finissaient avec tout cela, s'approchaient et s'asseyaient sur les genoux de papa !

Le premier pas est le plus difficile; faites-le et aussitôt je ferai en sorte que le lion bossu et la licorne martiale se battent pour votre couronne. Et tous deux giseront à la fin côte à côte, pareillement heureux, pareillement las; tandis que cette couronne sublime et unique (la tienne, frère !) brillera dans le Vide glacial de l'abîme, ses douze étoiles comblant ce silence et cette solitude par une musique et un mouvement encore plus silencieux et immobiles qu'eux; tu siégeras sur le trône de l'Invisible, tes yeux fixés sur Cela que nous appelons Rien, car c'est au-delà de Toute Chose accessible à la pensée ou à l'extase, ta main droite empoignant la verge azurée de Lumière, et ta gauche étreignant le fouet écarlate de la Mort; ton corps ceint d'un serpent plus brillant que le soleil, portant le nom d'Éternité; ta bouche par le sourire lunairement courbée en raison de l'invisible caresse de Nuit, notre Dame des Demeures Étoilées; l'électrique chair de ton corps figée par la force pure en un mouvement clos sur lui-même dans la fureur contrôlée de Son amour - non, au-delà de toutes ces Images tu es (petit frère !) celui qui est passé par Moi et Toi, et par Lui qui n'a point de Nom ni d'Image...

Petit frère, donne-moi ta main; car le premier pas n'est guère aisé.